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Le Certificat de Traçabilité: Lionel Mathis
L'attribution du trophée UNFP de la révélation de l'année au Lillois Eden Hazard a poussé Les Experts à déterrer le palmarès de cette distinction. Thomas N'Gijol nous ayant péniblement rappelé le nom des trois derniers lauréats (Ben Arfa, Benzema et Nasri) à l'occasion de la cérémonie, il a fallu remonter un peu plus loin pour trouver matière à discussion. Et c’est finalement Lionel Mathis, élu meilleur espoir de Ligue 1 par ses pairs en 2003, qui a été choisi pour servir de cobaye à cette nouvelle rubrique intitulée "Le Certificat de Traçabilité".
Né en 1981, Lionel Mathis mène une vie anonyme au centre de formation de l'AJ Auxerre jusqu'en juin 2000. Il est alors sélectionné en Equipe de France des moins de 19 ans pour disputer, en Allemagne, le championnat d'Europe de la catégorie sous les ordres de Jacques Crevoisier. Vainqueur de l’Ukraine en finale, Lionel retourne à Auxerre auréolé du titre de Champion d'Europe, acquis aux côtés des Jean-Félix Dorothée, Grégory Vignal et autre Hassan Ahamada. On aurait pu écrire Philippe Mexès, Benoît Cheyrou ou Djibrill Cissé à la place, mais c’était moins drôle.
De fait, il devient un des fleurons de la formation auxerroise et intègre immédiatement les entraînements de l'équipe première. Formé en n°10, poste auquel il évoluait en équipe de France de jeunes, Lionel joue les bouche-trou en équipe première, devenant progressivement le milieu dépanneur préféré de Guy Roux. Ce bon vieux Guy aime sa propension au sacrifice collectif. En langage rouxien: le joueur qui n'a pas besoin qu'on lui dise à chaque minute "reviens!" pour se replacer. Contrairement à "Khali" Fadiga ou "Bona" Kalou, sur lesquels Guy passait ses nerfs en phase défensive.
Ouvrier du foot
Profitant des blessures et suspensions de ses collègues de travail, Lionel aligne six saisons à plus ou moins 25 matches, tantôt en milieu défensif, tantôt en milieu droit dans le 4-5-1 de la seconde ère Roux. Ah, Mathis milieu droit... Tout un programme: le joueur besogneux par excellence. Une belle technique uniquement au service du strict respect des consignes. Un joueur exactement dans la philosophie de Guy Roux: aucun dépassement de fonction, limitation totale des prises de risque, priorité absolue au replacement dans son couloir. Manquant régulièrement ses tirs de loin, le visage constamment fatigué, à l'image aujourd'hui d'un Toulalan, il remplissait cependant parfaitement son rôle de porteur d'eau. Si bien qu'on ne l'a plus jamais revu à son poste de formation.
Une propension au sacrifice dans laquelle on peut également déceler un certain désintéressement pour le football. C’est en effet à cette époque que Lionel, dont on commence à parler dans les gazettes, confie ne pas vivre son sport comme une passion. S’entraîner la semaine et jouer le samedi relève pour lui de la routine de tout salarié. Il ne s’en plaint pas mais avoue n’utiliser son talent ballon au pied que comme un moyen de subsister (très correctement) à ses besoins.
Sortie de route en Peugeot
Une fois son contrat arrivé à son terme, Lionel a le choix. Après avoir refusé de prolonger une nouvelle fois à l’AJA, il opte pour la proposition sochalienne, appuyée par le directeur technique local, Jacques Crevoisier: un contrat de quatre ans au sein d'un club sérieux, qui tente de combler le vide technique laissé par les départs de Karim Ziani et Jérôme Leroy, et qui souhaite l'utiliser au poste de milieu défensif axial.
Sur le papier c'était le bon choix. Sur le terrain, son arrivée coïncide avec celle de Frédéric Hantz à la place d’Alain Perrin, pour une alchimie complètement ratée, un début de saison plombé d'une équipe où Mathis est titulaire. Pour changer le cours des choses, Hantz tente des variations dans son milieu de terrain. Lionel commence à moins jouer. Puis c'est l'éviction de Hantz au profit de Francis Gillot, qui ne fait pas du tout confiance à l’espoir venu de Bourgogne, arguant d'un manque de volonté et de combativité du garçon à l'entraînement.
Un an de vacances en gîte rural
Ce que Lionel confirme plus ou moins à la reprise quand il s'agit d'envisager un prêt. A la grande surprise des observateurs, Lionel fait preuve d'une grande humilité et accepte rapidement d'évoluer à en Ligue 2, à Guingamp, pour se relancer. Dans les Côtes-d'Armor, c'est vrai, il est entouré d’une flopée de joueurs dans son cas (Oruma, Bassila, Deroff, Savinaud, Trevisan) et retrouve le goût du travail grâce à la confiance qu'on lui témoigne au poste de milieu défensif.
L'En Avant remonte tranquillement la pente après un énième mauvais départ en championnat et Lionel est très apprécié de Victor Zvunka. Le couronnement arrive un soir de mai dernier, lorsque les autoproclamés paysans de Guingamp terrassent le Stade Rennais à Saint Denis en finale de la Coupe de France. Seulement prêté par Sochaux, Lionel se rappelle alors au bon souvenir des techniciens de l’élite. Son avenir, pourtant, est aujourd’hui incertain. Moins, toutefois, qu'il y a un an. L’identité du futur entraîneur du FC Peugeot décidera de son futur proche.