Les Groupes Medvedkine
1967, la grande grève de la Rhodiaceta à Besançon annonce déjà mai 68.
Chris Marker, Jean-Luc Godard, Bruno Muel et quelques autres cinéastes militants, décident de donner à ces ouvriers les moyens de prendre eux-mêmes la parole et vont ainsi mettre du matériel à leur disposition et les former aux techniques cinématographiques.
Résultat : des films forts, des pamphlets parfois violents, souvent brillants et émouvants, réalisés entre 1967 et 1973 sous l'égide de l'infatigable et génial Pol Cèbe (ouvrier et bibliothécaire du CE).
Pourquoi se sont-ils choisis pour nom « groupes Medvedkine » ?
« Un train, un homme qui mettait le cinéma « entre les mains du peuple » (comme Medvedkine nous le dirait lui-même plus tard), cela avait de quoi faire rêver un demi cinéaste égaré dans cette jungle où le professionnalisme mondain et le corporatisme se rejoignent pour empêcher le cinéma de tomber entre les mains du peuple. J¹ai donc passablement brodé sur le thème du « ciné-train », pour découvrir, en rencontrant Medvedkine, que tout ce que j¹avais inventé était encore très au-dessous de la réalité.
On se demande quelquefois ce qui a décidé un groupe d'ouvriers français, débutant précisément dans cette difficile entreprise de prendre le cinéma entre leurs mains, à choisir de se baptiser Groupes Medvedkine. Je suis heureux d'apporter pour la première fois une réponse historique à cette importante question. C'est exactement au moment où, racontant le ciné-train à Besançon en 67, l¹année des grandes grèves, dans la cuisine de René Berchoud en compagnie de Georges, de Yoyo, de Daniel, de Pol, de Geo et de quelques autres, que j'ai cité Medvedkine : nous emmenions avec nous des cartons déjà tournés, pour insérer dans les films. Et il y en avait un que nous prenions en bobines entières, parce qu¹il servait toujours, dans tous les films. Celui qui disait : « CAMARADES, ÇA NE PEUT PLUS DURER ! » »
Chris Marker, « Le ciné-Ours - Revue du Cinéma - Image et Son », n°255, décembre 1971
Un double coffret aux Editions Montparnasse ( avec un livret) pour cette mémoire ouvrière et militante, a ne pas manquer et à ne pas oublier ...
Le 8 février 2006, Editions Montparnasse, coffret 2 DVD
DVD 1 : BESANÇON (152mn environ)
A bientôt, j'espère (de Chris Marker et Mario Marret, 1967, 43mn)
En mars 1967 à Besançon, une grève éclate aux établissements Rhodiaceta qui font partie d'une chaîne d'usines de textiles dépendant du trust Rhône-Poulenc. Cette grève a pris un aspect inhabituel par son refus de dissocier le plan culturel du plan social. Les revendications mises en avant ne concernaient plus seulement les salaires ou la sécurité de l'emploi, mais le mode de vie que la société imposait, et impose toujours à la classe ouvrière.
La charnière (film sans image)
Extrait de la discussion qui a suivi la projection de « A bientôt j'espère », début 1968.
Qu'en pensent les ouvriers présents ? Le débat est franc et houleux…
Classe de lutte (du groupe Medvedkine de Besançon, 1969, 37mn)
Le premier film réalisé par les ouvriers du Groupe Medvedkine. Il suit la création d'une section syndicale CGT dans une usine d'horlogerie par une ouvrière dont c'est le premier travail militant en 1968. Comment Suzanne réussit à mobiliser les autres femmes de l'entreprise, malgré la méfiance des dirigeants syndicaux et les intimidations du patronat.
Rhodia 4x8 (du groupe Medvedkine de Besançon, 1969)
Colette Magny, chanteuse engagée, chante le flamenco de la Rhodia.
Nouvelle Société 5, « Kelton » (du groupe Medvedkine de Besançon, 1969, 8mn)
Les conditions de travail dans l'horlogerie Kelton-Timex: les ouvrières travaillant comme des marionnettes, les évanouissements, les accidents et en guise de prime de la «Nouvelle Société», Sylvie Vartan venant chanter à l'atelier...
Nouvelle Société 6, « Biscuiterie Buhler » (du Groupe Medvedkine de Besançon, 1969, 9mn)
Une petite fille dont la mère travaille à la biscuiterie Bulher et le père est routier, raconte sa vie. Une vie familiale désagrégée par le travail. Le monde des travailleurs vu à travers les yeux de leurs enfants.
Nouvelle Société 7, « Augé découpage » (du groupe Medvedkine de Besançon, 1969, 11mn)
Dans une usine de contacteurs électroniques, les conséquences sur la vie des ouvriers, de la pression des grandes entreprises sur les petites: les cadences s'accélèrent, la tension monte, les accidents deviennent plus fréquents et plus graves: un ouvrier perd sa main dans une presse.
Lettre à mon ami Pol Cèbe (de Michel Desrois, 1970)
Où le ruban d'une autoroute se met à enregistrer les pensées…
Premier « Road-Movie » ouvrier…
Le traîneau-échelle (de Jean-Pierre Thiébaud, 1971, 8mn)
Poème de Jean-Pierre Thiébaud, illustré par ses photos.
DVD 2 : SOCHAUX (182mn environ)
Sochaux 11 juin 1968 (D'un Collectif de Cinéastes et Travailleurs de Sochaux, 1970, 20mn)
11 juin 68. Après 22 jours de grève, la police investit les usines Peugeot à Sochaux : deux morts, cent cinquante blessés. Des témoins racontent.
Les trois-quarts de la vie (du groupe Medvedkine de Sochaux, 1971, 20mn)
Les jeunes français immigrés à Sochaux démontent le mécanisme de l'exploitation dans leur vie quotidienne telle qu'elle a été pensée par Peugeot. Ils jouent et racontent le recrutement, l'embauche, les horaires, le logement et la lutte qui a été menée dans les ALTM -Foyers de jeunes travailleurs.
Week-end à Sochaux (de Bruno Muel et du groupe Medvedkine de Sochaux, 1971)
Un film écrit, joué et rêvé par le Groupe Medvedkine de Sochaux, composé de jeunes ouvriers travaillant à la chaîne aux usines Peugeot et de techniciens du cinéma.
Avec le sang des autres (de Bruno Muel, 1974, 56mn)
Une descente aux enfers. La chaîne chez Peugeot. Son direct et image simple, assourdissante image. C'est là l'essentiel de l'empire Peugeot : l'exploitation à outrance du travail humain ; et en dehors, cela continue. Ville, magasins, supermarchés, bus, distractions, vacances, logement, la ville elle-même : horizon Peugeot. On parcourt le circuit, tout est ramené à la famille Peugeot.
Septembre chilien (de Bruno Muel, Théo Robichet et Valérie Mayoux, 1973)
Compte-rendu à chaud des journées qui ont suivi le coup d'état du général Pinochet. À Santiago la peur se lit sur les visages. Des militants de l'Unité Populaire osent cependant parler, ébauchent des explications, font part au monde de leur détermination. Les obsèques de Pablo Neruda donnent lieu à la première manifestation contre le régime. Des images sont prises à l'intérieur du stade national et devant les grilles où des familles vivent.
Livre de 62 pages sur les groupes Medvedkine établi par l'équipe d'ISKRA