mercredi 27 septembre 2006, 22h15
La France répare une "injustice" de 47 ans envers les soldats coloniaux
Par Michel LECLERCQ
PARIS (AFP) - Le gouvernement a annoncé mercredi, jour de la sortie du film "Indigènes" qui remet au premier plan le sort des combattants coloniaux, que ces derniers percevraient désormais la même pension que les Français, un "acte de justice", selon le président Jacques Chirac.
Ce geste, salué en Afrique et au Maghreb, répare ce que les anciens combattants d'Afrique noire, du Maghreb, de Madagascar et d'Indochine vivaient comme une injustice depuis 47 ans. Il constitue un nouveau pas dans la reconnaissance des pages oubliées de l'histoire de France, après les débats sur la colonisation et l'esclavage.
"La France accomplit aujourd'hui un acte de justice et de reconnaissance envers tous ceux qui sont venus de l'ex-empire français combattre sous notre drapeau", a affirmé le chef de l'Etat lors du Conseil des ministres.
Le gouvernement a ainsi annoncé que quelque 84.000 anciens combattants coloniaux (57.000 au titre des retraites du combattant et 27.000 à celui des pensions d'invalidité) toucheraient à partir du 1er janvier 2007 les mêmes pensions que leurs anciens frères d'armes de nationalité française.
"Ils percevront exactement en euros ce que perçoivent les nationaux français", a déclaré le ministre des Anciens combattants, Hamlaoui Mékachéra, qui a toutefois exclu toute rétroactivité.
Cette mesure coûtera 110 millions d'euros par an et sera inscrite au projet de loi de finance 2007 par un amendement du gouvernement, a indiqué le ministre du Budget, Jean-François Copé.
"Nous savons ce que nous devons à l'engagement et au courage de tous ceux qui ont défendu notre patrie et ses idéaux dans les conflits du 20e siècle", a déclaré de son côté le Premier ministre Dominique de Villepin, qui s'adressait à des associations "du monde combattant" à Matignon.
Au-delà des réparations, cette revalorisation des pensions est "une abolition des discriminations qui aura des répercussions dans toute la société française aujourd'hui", s'est félicité Rachid Bouchareb, le réalisateur d'"Indigènes", alors que les émeutes de novembre dans les banlieues ont mis en lumière le sentiment persistant d'inégalité chez les jeunes issus de l'immigration.
Après avoir vu le film en avant-première début septembre, Jacques Chirac avait promis à ses producteurs une revalorisation des pensions, a rapporté l'un des interprètes, l'humoriste Jamel Debbouze.
A Bucarest, où il est arrivé mercredi pour une visite officielle puis participer au sommet de la francophonie, le Président de la République a déclaré: "Il n'est pas inexact de dire qu'ayant eu le privilège de voir avant sa sortie le film 'Indigènes', j'ai été particulièrement touché par ce qu'il exprimait et la façon dont il l'exprimait".
"Cela m'a conduit à accélérer et à annoncer un certain nombre de mesures qui sont légitimes, qui étaient souhaitées par beaucoup et notamment dans la communauté militaire et qui étaient à juste titre revendiquées par les anciens militaires qui avaient combattu à nos côtés pour le drapeau français", a ajouté Jacques Chirac.
Les pensions avaient été gelées en 1959, au moment de la décolonisation. Selon des associations, les anciens combattants étrangers reçoivent, au mieux, 30% de la somme versée aux Français.
Les anciens combattants au Mali, en Côte d'Ivoire ou au Maroc se sont immédiatement félicités de la revalorisation des pensions, y voyant la "réparation d'une injustice", mais attendent aussi prudemment de "voir l'argent".
Pour beaucoup, c'est aussi trop tard. "C'est une mesure satisfaisante mais tardive, car deux tiers des camarades ne sont plus", a déclaré à Dakar l'adjudant Touramane Coly, âgé de plus de 80 ans.
Il était temps.